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Histoire du Costa Rica : 2002 – 2013 : De nos jours…

Cette dernière tranche d’histoire nous amène au Costa Rica de nos jours. Les années 2000 vont marquer une grande ouverture aux importations et aux investissements étrangers avec l’entrée en vigueur d’accords de libre échanges et la création de zones franches. Et petite révolution, pour la première fois, une femme va devenir Présidente de la République.

1. Abel Pacheco de la Espriella, le Docteur devenu Président :
2. Le retour d’Óscar Arias Sánchez :
3. Laura Chinchilla Miranda, 1ère femme Présidente :

1. Abel Pacheco de la Espriella, le Docteur devenu Président :

L’élection du 8 mai 2002 revêt un caractère particulier. C’est la première fois depuis 1948 qu’il faudra un deuxième tour pour départager les candidats. Il faut dire qu’Abel Pacheco de la Espriella n’avait pas vraiment le profil d’un présidentiable… Au départ médecin généraliste, puis spécialisé en psychiatrie, il fut directeur de l’Hôpital National Psychiatrique. Ce poste de directeur lui a permis d’animer une émission de télévision très populaire entre 1976 et 2001, appelée « Comentarios con el Dr. Abel Pacheco ». Une sorte de talk show à la Costaricienne où les gens venaient chercher aide et conseil auprès du professeur, qui acquit ainsi une popularité immense. Il anima également d’autres émissions, comme « Leyendas y tradiciones nacionales » (Légendes et traditions nationales) ou encore « Ayer y hoy en, la historia » (Hier et aujourd’hui dans l’histoire), l’histoire étant son autre passion. Son autre carrière, qui l’a également rendu célèbre pour ses spots télévisés ultra kitschs, fut celle de vendeur de vêtement. Son magasin, en plein cœur de San José, portait d’ailleurs le nom de Palais du Pantalon !

Photo d'Abel Pacheco Espriella

Abel Pacheco Espriella en 2005 © Cláudio Vaz

Son destin prit un tournant décisif quand en 1994 son ami Miguel Ángel Rodríguez Echeverría, qui sera élu président du pays en 1998, lui demande de prendre la vice-présidence du PUSC (Parti d’Unité Sociale Chrétienne). En 1998, il est élu député. Et sa célébrité télévisuelle, mêlée à l’impopularité de Rodríguez Echeverría, faisait de lui le candidat idéal à la présidentielle. Les journaux le surnommèrent « le politicien du peuple », et il mena une campagne inhabituelle… Se présentant comme un homme simple, issu du peuple, et proche des gens, il adoptera comme slogan « Vote por usted », littéralement votez pour vous-mêmes !

Mais son âge avancé (69 ans au moment des élections) et ses problèmes de santé récurrents auront du mal à convaincre les membres de son parti. Il finira par emporter l’adhésion de tous en adoptant pour son parti le slogan « La hora del abrazo » (que l’on pourrait traduire par l’heure de l’entraide, mais également par l’heure de se retrousser les manches). Seulement le 2 février 2002, il n’obtient que 38,6 % des suffrages. Or, la loi Costaricienne exige 40 % des voix pour désigner le vainqueur. Un second tour est donc organisé, pour la première fois dans l’histoire de la seconde république. Finalement, il sera élu avec 58 % des suffrages. Une victoire au cordeau qui aura des conséquences certaines sur sa politique.

Dès le début de son mandat, il quitte le PUSC, grâce auquel il a pourtant été élu, et créé un gouvernement mixte où il prend comme conseiller direct Óscar Arias Sánchez, Prix Nobel de la Paix et président du pays entre 1986 et 1990 (et qui finira par lui succéder).

Son action à la tête de l’état sera très critiquée, malgré certains succès.  On peut citer la réduction de la dette publique et du déficit commercial, l’intégration de femmes dans le gouvernement, la stabilité sociale et économique, la réduction de la mortalité infantile, la création des premières lois de garanties écologiques du pays, et également l’interdiction définitive des mines à ciel ouvert (désastre écologique et humain, puisque les conditions de travail y étaient épouvantables).

En revanche, la politique de gestion de la voirie a été d’une grande inefficacité, et les routes, autoroutes (et même les trottoirs) ont continué à se dégrader. La critique la plus irrévocable concerne l’appui à l’intervention militaire Américaine en Irak. Pour rappel, le Costa Rica ne possède plus d’armée depuis la révolution de 1948, et est vouée à une neutralité absolue, ce qui fait qu’on l’appelle « la Suisse d’Amérique ».

Pour justifier sa décision, Pacheco de la Espriella a eu un argument pour le moins indéfendable. Voici ce qu’il a déclaré le 19 mars 2003 : « Notre vocation de paix ne doit pas être interprétée comme de l’indifférence ou de la tolérance envers le terrorisme. De plus, dans le conflit entre la paix et le terrorisme nous ne sommes pas neutres. Le Costa Rica est et sera un allié loyal, ferme et décidé à l’égard de ceux qui recherchent la paix, la liberté, la démocratie et le respect du droit international. » Problème évident : l’Irak n’était pas un pays terroriste ! Pour information, durant les 24 ans de règne (certes absolu) de Saddam Hussein, aucun attentat n’a été commis, que ce soit sur le territoire Irakien ou à l’étranger ! Quant à l’existence des armes de destruction massive, motif de l’invasion, l’Histoire a prouvé qu’il s’agissait d’un mensonge ! Pacheco de la Espriella a sans doute été influencé par ses conseillers, et a cherché à séduire les USA, au prix de l’indépendance idéologique du Costa Rica.

Il sera d’ailleurs durement ramené à la réalité quand le 8 septembre 2004 la Cour Suprême de Justice retire le décret et impose au gouvernement de demander l’exclusion du Costa Rica de la liste des pays ayant soutenu l’intervention en Irak. Une claque retentissante pour son ego, et un revers immense pour son autorité, dont il ne se relèvera jamais politiquement. D’autant que l’appui du Costa Rica à l’invasion de l’Irak a été dénoncé par Michael Moore dans son documentaire, mondialement reconnu, Farenheit 9 / 11…

Brisé politiquement, Pacheco de la Espriella continuera son action dans le domaine privé, et cède sa place à son conseiller, Óscar Arias Sánchez.

2. Le retour d’Óscar Arias Sánchez :

Pourtant, la constitution du pays interdisait la réélection d’un ancien président depuis une réforme de 1969. Arias Sánchez avait déjà tenté à deux reprises de faire abolir cet amendement. Recours devant l’assemblée législative (rejeté), recours devant la Cour Suprême de Justice (rejeté également, malgré l’appui officieux de quatre juges, en totale contradiction avec l’indépendance de la justice), et en 1998, nouveau recours devant la Cour Suprême de Justice (approuvé cette fois-ci!).

Aucune raison officielle ne vient éclaircir les raisons de l’acceptation de ce second recours. L’ancien président Luis Alberto Monge Álvarez parlera même de « coup d’état technique », malgré son appartenance au Parti d’Arias Sánchez, Libération Nationale. En d’autres termes, une transition tout-à-fait légale, mais teintée du soupçon d’un trafic d’influences de grande ampleur.

Photo d'Oscar Arias Sanchez

Oscar Arias Sanchez ©jvargas

Arias Sánchez revient donc au pouvoir le 8 mai 2006. Son administration sera caractérisée par deux points essentiels.  En premier lieu, il fit approuver le traité DR-CAFTA (Dominican Republic-Central America Free Trade Agreement), appelé plus communément TLC (Tratado de Libre Comercio), un accord de libre échange créé par son prédécesseur Pacheco de la Espriella, mais non validé. La chose est stupide, mais le traité voté n’avait tout simplement pas été transmis à l’assemblée législative, le rendant donc caduc. Arias Sánchez le fit donc ratifier officiellement, conformément à sa promesse de campagne. Au départ, il tenta de le faire passer en force, mais face à une opposition tenace, dénonçant régulièrement des intimidations et des tentatives de corruption, il dut faire appel à un référendum pour le faire approuver par la population. Au final, le TLC passa l’épreuve, mais avec seulement 51 % des voix pour, et 48 % contre.

Cet accord est éminemment critiqué, car il ouvre les frontières du Costa Rica à tous les produits, rendant ainsi obsolètes les taxes mises en place, qui avaient pourtant permis au pays d’échapper à la crise économique.

La deuxième grande réforme de la seconde administration d’Arias Sánchez sera la création de zones franches. Ces zones économiquement neutralisées sont offertes à tout investisseur étranger pour s’installer sans payer de taxes locales, ni d’impôts fonciers. L’état se contente de percevoir une petite part des bénéfices enregistrés par l’entreprise.  D’un côté, ceci permit de créer de nombreux emplois, et de développer des zones souvent coupées des infrastructures. Un beau succès économique et social. Mais d’autre part, les opposants politiques ont vite noté que l’une des zones franches créées se trouvait au cœur de terres dont le propriétaire n’était autre qu’ Arias Sánchez en personne. On l’accusa donc de détournement de fonds, d’abus de biens publics, d’escroquerie, de délit d’initié, entre autres choses… Mais le nombre de zones franches créées, ainsi que le succès qu’elles rencontrèrent, dédouanèrent totalement le président de toute malversation. Il a certes pris un intérêt financier personnel dans sa création, mais personne n’a pu démontrer qu’il l’avait fait dans cet unique but.

 3. Laura Chinchilla Miranda, 1ère femme Présidente :

Le 8 mai 2010, c’est un événement historique majeur qui se produit, avec l’élection, pour la première fois dans toute l’histoire du pays, d’une femme à la tête du Costa Rica : Laura Chinchilla Miranda. Ministre de la Justice de son prédécesseur, elle est en effet la première présidente du pays, la quatrième Costaricienne à tenter l’aventure, et la cinquième femme en Amérique Latine à accéder à ce poste. Mais l’euphorie aura été de (très) courte durée…

Laura Chinchilla Présidente du Costa Rica

Au centre, Laura Chinchilla, Présidente du Costa Rica ©MadriCR

Elle dut renoncer à sa charge de vice-présidente du PLN (Parti de Libération Nationale) afin de se présenter à l’élection. Elle fut élue au premier tour avec 46 % des voix, soit une belle victoire, son programme étant plébiscité par le public (lutte contre la délinquance, poursuite de l’ouverture aux investisseurs étrangers, défense des droits de la propriété…), d’autant que c’est une personnalité de gauche. Mais au final, Chinchilla Miranda se montrera incroyablement conservatrice, voire même rétrograde…

Ainsi, en 2009, elle sera la seule représentante d’un parti politique important à défiler en faveur du maintien de l’interdiction de l’avortement et du mariage pour les couples homosexuels, ainsi que pour protester contre l’établissement d’un état laïc (le Costa Rica étant catholique). Les observateurs ont noté à l’occasion de ce défilé une attitude clairement homophobe, et ultra conservatrice. Il faut en effet souligner que l’avortement est strictement interdit au Costa Rica, même en cas de viol ou de malformation non viable du fœtus. Les féministes luttent depuis de nombreuses années pour faire changer cette situation, peu compatible avec les mœurs actuelles, mais se heurtent de plein fouet aux convictions de Chinchilla Miranda… A noter également que la pilule du lendemain reste interdite dans le pays. Quant au mariage homosexuel, la présidente est encore plus rétrograde. La seule liberté qu’elle souhaiterait accorder aux couples de même sexe, c’est une transmission de patrimoine simplifiée. Mais hors de question de reconnaître officiellement un tel couple…

Elle est très bien vue par les milieux catholiques (y compris intégristes) en raison de ses prises de position pour le moins anti-progressistes. Pourtant, elle devrait théoriquement être excommuniée, puisqu’elle a divorcé en 1985…

Son mandat est donc très fortement critiqué, d’autant qu’il n’échappe pas aux scandales. Ainsi, en octobre 2010, le Nicaragua a occupé deux petites îles dans le delta de la rivière San Juan. Cette zone marque la séparation entre les deux pays, et chacun la revendique comme sienne. La réaction du gouvernement a été dans un premier temps de déposer un recours auprès de la Cour Internationale de Justice. Mais jugeant l’action de celle-ci trop lente, Chinchilla Miranda a décidé en 2011 de construire une route sur cette zone, comme pour délimiter physiquement la frontière. Certains ont d’ailleurs comparé cette construction avec le mur de Berlin…

Prévue pour faire 150 km de long, la route Juan Rafael Mora Porra (officiellement route 1856, mais nommée ainsi en l’honneur de l’un des grands défenseurs du pays contre le Nicaragua) a été construite à la va-vite, sans aucune étude d’ingénierie, d’architecture ou même de faisabilité. Un décret a même été voté en urgence pour contourner la réglementation en matière environnementale et échapper à l’autorité du contrôleur général de la république. Au final, la route est inachevée, impraticable par endroits, dangereuse à d’autres et de toutes façons complètement inutile dans la région. Face au scandale, Chinchilla Miranda a limogé le ministre des travaux publics et des transports, Francisco Jiménez, qui agissait pourtant sous ses ordres. Et l’affaire n’est pas terminée puisque le ministère public a diligenté une enquête pour corruption, malversation, et abus de biens publics.

Il reste à signaler que Chinchilla Miranda a été élue en 2011 et 2012 pire dirigeante Latino-américaine, et que sa côte de popularité n’est que de 12 % !

*****

Le pays achève sa transformation en s’ouvrant à tous les investisseurs internationaux. Une fois stabilisés les déficits, l’heure est au développement économique. Le tourisme tient un rôle important dans l’équilibre des finances, et la défense de l’environnement est une priorité absolue. Malheureusement, l’actuelle présidente semble bien loin de ces impératifs, et mène une politique décousue, autoritaire et rétrograde. La prochaine échéance présidentielle est le 8 mai 2014. Alors le pays décidera de poursuivre sur ces rails bancals, ou de changer de cap…

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