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Garabito : le Roi Coyote

Garabito, Roi des Huetares, ou encore Roi Coyote, était un très puissant, et redouté cacique de la vallée centrale du Costa Rica au XVIème siècle. Son influence, tant politique que militaire, était considérable, et son empire s’étendait sur la province actuelle d’Alajuela.

L’origine du nom de Garabito :

L’origine de son nom est soumise à plusieurs hypothèses.

1) La première serait qu’il doit cette appellation à un capitaine Espagnol nommé Andrés Garabito. Cet obscur militaire n’est célèbre que pour deux choses : il a fait détruire sur ordre de son supérieur la ville de Bruselas (Bruxelles) pour réprimer une ancienne révolte, et il a rencontré le Roi des Huetares, brièvement, du côté de la ville actuelle de San Mateo. Mais cette version est de plus en plus critiquée, car il paraît assez peu logique de donner à un ennemi le nom d’un officier loyal…

2) La seconde hypothèse, plus vraisemblable, mais non officiellement reconnue, est que Garabito est dérivé du mot tarahúmar (langue locale) « garabee » ou « garabi », superlatif de « gara » signifiant « bon ». Garabito serait donc tout simplement le meilleur. La différence entre le mot originel et sa version Espagnole pourrait être dû à l’ajout d’un diminutif en -ito, très fréquent en Amérique Latine, et qui marque la familiarité (et n’est donc en rien incompatible avec le sens superlatif du mot tarahúmar).

3) Une troisième hypothèse, elle aussi parfaitement logique, oppose Garabito à l’autre grand roi de la région, Guarco (qui règnait sur l’actuelle Cartago). En effet, le mot « guarco » signifie « la sentinelle de l’est ». Le mot tarahúmar « guaravito » est son parfait opposé puisqu’il signifie « centinelle de l’ouest ». Mais aucun lien formel entre les deux rois n’a pu être établi, et aucun élément historique ne vient corroborer cette explication. Cependant, l’explication est tellement logique qu’elle semble difficile à contrer…

Bref, encore aujourd’hui, on ne peut dire avec certitude pourquoi le roi Huetar portait ce nom de Garabito.

Statue de Garabito à San José

Statue de Garabito à San José © Rodtico21

Garabito, roi des Coyotes :

Un détail amusant fait des membres de son peuple des coyotes suite à une erreur de traduction qui circule encore de nos jours. Le centre de son empire se trouvait être le Valle del Coyoche, traduit abusivement dès le départ « vallée du coyote ». En réalité, le mot tarahúmar original était « coyochi », qui signifie non pas coyote mais lieu fréquenté par des coyotes.

On a appelé Garabito « Rey del Coyoche », le roi du lieu aux coyotes. Seulement la prononciation locale a très vite changé, et le nom s’est vu déformé en Rey del Coyote, le roi du coyote. Et les lettrés de l’époque ont cru voir dans cette expression une simple faute de grammaire. De fil en aiguille, Garabito était devenu Rey de los Coyotes, les roi des coyotes !

Pour information, on le confond parfois avec un autre cacique, du nom de Coyoche, mais qui n’a aucun rapport avec lui (ni même avec la zone portant pourtant le même nom). D’autant qu’en langue chorotega (la langue de Coyoche), le « e » et le « o » n’existent pas, ce qui rend incertain sa véritable appellation (peut-être Cuyuchi, dérivé d’un mot nahuatl signifiant « couleur coyote »).

La lutte contre les envahisseurs espagnols :

Garabito régnait sur des dizaines de peuples (les Tices, les Catapas, les Abacara, les Chucasque, les Cobobici, les Cobux, les Yurustí, etc…). Et contre toute attente, il refusa catégoriquement la domination espagnole, et prit les armes pour défendre son territoire.

En 1560, un simple avocat fut nommé pour le contrer, Juan de Cavallón. Un an plus tard, il parvient à faire prisonnier le roi. Mais par une bêtise sans nom, il le laissa s’échapper en libérant les gardes de leur surveillance du captif, malgré son importance, contre sa promesse de soumission à la couronne.

A la tête de 2.000 hommes, Garabito passe à l’attaque, et parvient à mettre en fuite un contingent en provenance du Nicaragua.

Encore une fois bien avisé (…), Cavallón lance une grande expédition dans le Valle del Coyoche afin de capturer Garabito… lequel était en réalité en route pour le port de El Landecho, là où les renforts Espagnols devaient aborder.

Malheureusement, Ignacio Cota, le bras armé de Cavallón (et pas vraiment un tendre…), interrogea toutes les femmes qu’il put trouver dans le Valle del Coyoche. Aucune ne parla… Non pas par courage, mais parce qu’aucune ne savait rien de l’expédition en cours. Sauf une…

Biriteca, femme de Garabito, décrite par les conquistadores eux-mêmes comme une très belle femme (alors qu’ils avaient pour consigne stricte de sous-évaluer, voire de dévaluer, tout ce qui concernait les indigènes), ne put résister à l’interrogatoire « musclé » de Cota et avoua le projet de son mari.

Après plusieurs jours de marche, Cota parvint à rejoindre Garabito, et engagea le combat. La supériorité matérielle des Espagnols (armes à feu et armures) leur permit de remporter la bataille contre les indigènes (armés d’arcs et de flèches). Mais Garabito parvient à s’enfuir dans les montagnes, sans laisser de trace.

Cavallón fit alors enlever la femme de Garabito, mais la capture réussie de Biriteca ne donna aucun résultat. Le roi des coyotes ne se présenta pas pour négocier, ni même l’un de ses représentants.

Cavallón lança alors ses hommes à la recherche du roi, et là victoire ! Ils capturèrent un homme qui, aux dires des indigènes, était le roi Garabito. Manque de chance pour les Espagnols : il s’agissait d’un leurre, un simple homme de main vêtu d’attributs luxueux pour berner l’ennemi.

Quant au roi, il fomenta en secret une attaque d’envergure contre la ville de Garcimuñoz, lieu de rétention de sa bien aimée. L’attaque fut d’ailleurs un succès total. Cavallón, persuadé que Garabito voulait sa tête, se contenta de placer ses hommes en des points stratégiques pour repousser l’ennemi indigène. Ce qui laissa tout loisir au roi de récupérer son épouse, les gardes chargés de sa surveillance ayant été redéployés pour défendre une ville qui en réalité n’était pas attaquée !

De retour dans ses terres, Garabito apprit d’un soldat Espagnol capturé que Cavallón était sur le point de partir pour le Guatemala afin de faire un rapport à la Real Audiencia. Bien décidé à l’empêcher d’arriver à bon port, le Roi Huetar tendit une embuscade aux troupes Espagnoles. Certains prétendent que Cavallón et Garabito auraient eux-mêmes combattus l’un contre l’autre, mais aucune source fiable n’atteste de cela… Quoi qu’il en soit, l’armée remporta la bataille contre les indigènes, et les pertes furent minimes, dans les deux camps. Garabito se cacha à nouveau dans les montagnes.

Fin 1562, la Couronne envoie don Juan Vázquez de Coronado, alors Maire Supérieur de Nicoya, reprendre la mission inachevée de Cavallón.

Il se heurte à une révolte massive de tous les indigènes, mais malgré son faible contingent d’hommes (à peine 80), il parvient grâce à une gestion beaucoup moins rude envers les insurgés à s’assurer la soumission de tous les caciques… à l’exception de Garabito. Ce qui l’inquiète à tel point qu’il met en garde le roi Felipe II en personne dans une lettre datée du 11 décembre 1562. Voici ce qu’il disait (dans une langue espagnole étrangement truffée d’archaïsmes, d’ailleurs) :

Version originale :

« El más dañoso para la pacificación desta provincia es un cacique llamado Garabito que en los principios dio el reconocimiento que devia a Vuestra Magestad y al licenciado Cavallon, en nombre de Vuestra Magestad, y despues se rebelo; y no se contenta con aver sacrificado un soldado que le prendio al licenciado Cavallon y avelle salido a el a matar con mano armada y aver hecho otros ynsultos, sino que exorta y aun amenaza a todos los demas (caciques) que no den la obediencia que deven a Vuestra Magestad ni reconozcan a Dios nuestro Señor. Asi he hecho proceso contra el: esta condenado a muerte y a que se le haga guerra como a persona que se ha rebelado”.

Traduction en français :

« Le plus grand danger pour la pacification de cette province est un cacique nommé Garabito, qui au départ avait montré la déférence qu’il sied à Votre Majesté et à Maître Cavallon, au nom de Votre Majesté, et se rebella ensuite ; et il ne se contenta pas d’avoir sacrifié un soldat capturé à Maître Cavallon qu’il fit tuer à main armée et d’avoir commis d’autres affronts, mais en plus il exhorte et même menace tous les autres afin qu’ils ne s’inclinent point devant Votre Majesté, et qu’ils ne reconnaissent point Dieu notre Seigneur. Je l’ai donc fait juger : il est condamné à mort, et à être combattu par la force comme un simple rebelle. »

La conclusion est simple, et tombe comme un couperet : Garabito a été condamné à mort par contumace dans un simulacre de procès. Au passage, malgré l’affirmation de Coronado, aucun document ne vient prouver qu’un tel procès ait eu lieu. Il est fort probable qu’il ait lui même prononcé la sentence sans demander l’avis de personne. Formalité inutile, de toutes façons, puisque le roi coyote était devenu l’ennemi à abattre pour la Couronne.

Par une stratégie à la limite du raisonnable, Coronado obtient le soutien de plusieurs caciques, contre la promesse (illusoire) de leur laisser un semblant de pouvoir. Mais rien n’y fait ; Garabito reste introuvable.

Les années passèrent, et la fougue du roi coyote finit par s’éteindre. Il s’installe dans le Valle Coyoche, et vit paisiblement comme un simple fermier. Un indigène peu scrupuleux reconnut en ce vieil homme fatigué le grand roi Huetar, et avertit le gouverneur, qui fit arrêter Garabito.

Au milieu d’une foule indifférenciée de plus de 3.000 personnes, le roi déchu se convertit au catholicisme dans une cérémonie de baptême de masse traditionnelle de cette période.

Garabito se retire définitivement de la vie militaire, enfin en paix (forcée) avec les Espagnols. Il mourra de vieillesse, à une date que personne en son temps n’a cru bon de noter…

Le grand roi parvient malgré tout à faire un ultime pied de nez à l’envahisseur ; le village où il est mort porte aujourd’hui le nom de Santa Catalina de Garabito (Sainte Catherine de Garabito).

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