Le Cigare du Costa Rica : Culture et Fabrication
Le climat du Costa Rica est idéal pour la culture du tabac, et donc la fabrication de cigares. La forte humidité du pays permet une production haut de gamme que beaucoup de pays lui envient. C’est le principal concurrent de Cuba en termes de qualité.
1. Culture des feuilles Tabac :
2. Fabrication des cigares
3. Tabagisme au Costa Rica :
1. Culture des feuilles de Tabac :
La culture se fait la plupart du temps de façon traditionnelle, et tout est fait à la main. La plantation a lieu autour du mois d’Août pour une récolte qui se fait en deux étapes.
Quatre mois plus tard, autour de la mi décembre, les feuilles situées en bas des plants sont récoltées et mises à sécher. Le reste de la plante ne sera récolté que 2 mois plus tard, autour de la fin janvier.
Pourquoi une récolte en deux temps ? Parce que le cigare est un objet très complexe à fabriquer.
2. Fabrication des cigares :
Pour bien comprendre de quoi il s’agit, voici la description d’un cigare. Au cœur du cigare, appelé la tripe, trois types de feuilles sont roulées ensemble :
- le « volado » est constitué par la base du plant de tabac récolté plus tôt. Cela lui confère une sécheresse supplémentaire qui permet la combustion du cigare
- le « seco », issu de la partie centrale du plant de tabac, lui donne son arôme
- quant au « ligero », issu de la partie haute du plant de tabac, c’est lui qui donne la force du cigare.
Pour résumer, les trois types de feuilles dépendent de la durée d’exposition au soleil. Le « volado » étant récolté plus tôt, il est sec et sans saveur. Le « seco », malgré son nom qui signifie « sec », est plus doux que le volado puisqu’il a séché moins longtemps et a bénéficié de plus de sève. Le « ligero », exposé depuis la plantation aux rayons du soleil, possède une forte concentration d’arômes.
L’assemblage se fait à la main par des « rouleurs » professionnels. C’est d’ailleurs un talent recherché, et les torcedores, puisqu’on les appelle ainsi, sont généralement très bien payés. Au passage, ces tordeurs sont bien souvent des tordeuses, les femmes représentant près de 70 % de la profession.
Autour de la tripe, on dispose une sous-cape constituée de deux demi-feuilles de tabac roulées en sens inverse. Les stries naturelles des feuilles forment un rail qui permet la cohésion de la structure.
Enfin, on dispose autour de l’ensemble une cape, constituée d’une unique feuille de tabac. Dans le passé, sa couleur permettait de déterminer la force du cigare. Plus la teinte était foncée, plus le cigare était fort. Mais de nos jours cette tradition s’est perdue, les consommateurs préférant les teintes sombres.
A noter que comme pour les millésimes des vins, les cigares possèdent des crus divers, identifiés selon leur provenance, leur marque et bien sûr leur arôme. Ces crus, appelés vitoles, sont identifiables grâce à la bague entourant la base du cigare. Cette bande de papier est par extension appelée vitole, et ceux qui les collectionnent sont des vitolphilistes.
En ce qui concerne le tabac lui-même, revenons au moment de la récolte. Après avoir soigneusement prélevé les feuilles de tabac, on les attache à des barres en veillant à ce qu’elles ne se touchent pas, puis on les place en hauteur dans ce qu’on appelle une « Casa de tobaco », une sorte de grange aménagée spécialement.
Les feuilles resteront suspendues la tête en bas pendant une durée de 6 semaines à une température d’environ 25 ° C et un taux d’humidité compris entre 65 et 75 %. Le tabac évacue ainsi naturellement l’eau qu’il contient.
Après ce délai, les feuilles sont placées sur des « pilones », des bacs disposés à même le sol, pour déclencher le processus de fermentation. La température au cœur du bac montera progressivement pour atteindre environ 35°c. Les pilones seront démontés à plusieurs reprises pour aérer les feuilles afin que l’humidité puisse s’échapper. Pourtant, le tabac doit être régulièrement humidifié pendant cette délicate période, car si les feuilles deviennent trop sèches, elles seront cassantes et impossibles à manipuler.
Selon la qualité souhaitée, cette fermentation se poursuit pendant une période qui peut, pour les plus raffinés des cigares, atteindre trois ans. Pour une qualité standard, cela n’excède pas 6 semaines. Ce n’est qu’au bout de ce délai variable que le cigare prendra enfin forme sous les mains expertes des torcedores.
La qualité de fabrication fait que le cigare du Costa Rica peut atteindre une valeur très importante. Un « puro » (cigare dont les feuilles sont toutes issues de la même variété de tabac) se vend par exemple 10 $ pièce. En moyenne.
En revanche, le gouvernement a pris la décision très tôt de très peu taxer l’exportation, ce qui permet d’écraser les prix. D’autant que le concurrent cubain, toujours soumis à l’embargo Américain, se trouve beaucoup plus difficilement sur le marché. Les frais de port aérien sont donc généralement pris en charge par le producteur lui-même.
Les exportations sont facilitées par les trois principales organisations d’aide au développement des producteurs agricoles, à savoir le Centre de Promotion des Exportations (Centro de Promoción de las Exportaciones CENPRO ), la Coalition Costaricienne d’Initiatives de Développement (Coalición Costarricense de Iniciativas de Desarrollo CINDE) et la Chambre des Exportateurs du Costa Rica (Cámara de Exportadores de Costa Rica CADEXCO).
Mais il est impossible de chiffrer le volume des transactions annuelles ; il est tout simplement trop faible pour entrer dans les statistiques. La fabrication de cigares est resté plus un artisanat qu’une industrie, et beaucoup de producteurs, pour des raisons financières, préfèrent réserver leur production à la fabrication de cigarettes.
De toute façon, le marché local est très limité. Il est si peu rentable que le pays, pourtant producteur, importe chaque année pour près de 18 millions de dollars de produits dérivés du tabac, dont le tiers de cigares, alors que l’exportation de ces mêmes produits ne représente guère plus de 2 millions de dollars.
Un autre phénomène explique que la production de cigares soit si marginale : le tabagisme du pays.
3. Tabagisme au Costa Rica :
Cela semble paradoxal, mais on parle bien de la cigarette, et non du cigare. Il n’est pas rare de croiser des enfants d’à peine 8 ans cigarette à la bouche dans les rues des grandes villes. Cela a des incidences très nocives sur la santé…
Au Costa Rica, les maladies cardio-vasculaires et les AVC liés au tabac sont la première cause de mortalité. Un fumeur sur deux en meure. Cela coûte au système de santé plus de 80 millions de dollars par an. Et jusqu’à il y a peu, le paquet de 20 cigarettes ne coutait que 1,20 €.
En conséquence, le 27 février 2012, un coup mortel a été porté à l’industrie du tabac du Costa Rica : l’adoption d’une loi anti-tabac.
Interdiction de fumer dans les lieux publics (incluant les cinémas, les bars et les transports publics), taxe de 80 centimes d’euros par paquet, taxe mensuelle de 270 € pour les débitants de tabac, interdiction de la publicité pour les cigarettes et les cigares, interdiction de vente aux mineurs, etc…
Cela fera chuter le nombre de fumeurs de façon draconienne selon les experts locaux. Ce qui engendrera une perte de revenus pour les industries, mais surtout pour les producteurs de tabac. Les trois chambres de commerce citées précédemment prévoient un retour massif à des cultures alimentaires, comme le café ou encore les bananes.
En réalité, le cigare Costaricien est menacé de disparition faute de consommateurs locaux et d’une exportation qui n’est pas à la hauteur. Seuls de grands groupes pourront survivre, tels que Don Ursulo ou encore Vegas de Santiago, mais on peut craindre une baisse de qualité liée à la volonté de réduire les coûts de fabrication.
Bref, la fabrication de cigares au Costa Rica, pourtant artisanale et de grande qualité, est aujourd’hui sérieusement menacée.
Le Cigare du Costa Rica : Culture et Fabrication,