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Histoire du Costa Rica : 1902 – 1920 La Démocratie toujours en Danger

Après avoir connu la dictature, la démocratie a beaucoup de mal à s’installer au Costa Rica, le pays va devoir encore subir une période d’instabilité politique et un nouveau dictateur, Federico Tinoco Granados, le pire de son histoire. Ces 20 ans d’histoire verront aussi l’achèvement de la ligne de chemin de fer vers le Pacifique, la création des paroles de l’hymne national et un terrible tremblement de terre  qui détruira la ville de Cartago.

1. Une Démocratie balbutiante :
2. Fraudes et Coup d’état :
3. Le Retour de la Dictature :
4. Rétablissement de la Démocratie :

1. Une Démocratie balbutiante :

Début avril 1902 arrive au pouvoir Ascensión Esquivel Ibarra , pour une prise de fonction effective le 8 mai 1902. En 1889, il avait été déclaré provisoirement vainqueur de l’élection présidentielle mais avait été écarté par une fraude électorale manifeste orchestrée par l’Église catholique.

C’est peut-être ce passé torturé qui rendra son mandat particulièrement sévère. On aurait pu croire en effet que ce retour allait restaurer la démocratie, d’autant plus qu’il avait été provisoirement expatrié en raison de son opposition au régime de Tomás Guardia Gutiérrez (le précédent dictateur) mais la réalité fut finalement toute autre.

Pendant les quatre ans de son mandat, de grandes choses furent accomplies. Ainsi, c’est son gouvernement qui organisa le concours afin de mettre en paroles l’hymne national du Costa Rica, composé en 1852. Ce fut donc grâce à lui que l’hymne fut enfin finalisé. Le chantier du chemin de fer vers le Pacifique avança de façon considérable, et un nouveau code de procédures pénales fut entériné en 1906.

Mais son mandat est surtout caractérisé par une austérité draconienne, et par une fin pour le moins anti-démocratique. En effet, au début de l’année 1906, il fit suspendre les garanties individuelles autrement dit les droits inaliénables de tout citoyen, comme l’accès à la propriété, la liberté de circulation, le droit d’être assisté d’un avocat lors d’un procès, etc… Pire, juste avant l’élection, il fit expulser les principaux leaders politiques des partis qui auraient pu contrebalancer son influence.

Et le 8 mai 1906, c’est son protégé libéral, seul candidat officiel, qui fut élu, à savoir Cleto González Víquez. Malgré les conditions discutables de son accession au pouvoir, Cleto González Víquez fut un président d’une grande efficacité, et beaucoup moins autoritaire que ses prédécesseurs. Sous son mandat, enfin, le chemin de fer jusqu’au Pacifique fut achevé. Il faut savoir que le chantier du chemin de fer s’est étalé durant des dizaines d’années à cause de son coût élevé. Sa mise en service va enfin permettre de transporter rapidement et facilement les productions agricoles vers l’océan afin de les exporter. Il fit également paver les rues des principales villes et les dota d’un réseau électrique de qualité. Il participa également au développement d’un réseau scolaire dense, et organisa la production de canne à sucre en la développant considérablement.

La dette publique en fut considérablement alourdie, mais au vu des réalisations, le peuple ne lui en tint pas rigueur. Et c’est de façon démocratique qu’il céda le pouvoir à son successeur, Ricardo Jiménez Oreamuno. Pourtant, le spectre de la dictature était toujours présent…

En effet, son adversaire principal n’était pas un inconnu puisqu’il s’agissait de Rafael Iglesias Castro, président du pays aux méthodes expéditives entre 1894 et 1902. Mais l’éviction de ce personnage coïncide tragiquement avec un tremblement de terre calamiteux. En effet, le 4 mai 1910, un séisme d’une amplitude de 6,4 sur l’échelle de Richter ravagea la ville de Cartago, ville natale de Ricardo Jiménez Oreamuno. Seize secondes de terreur, plus de 700 victimes et des dégâts considérables. Quand 4 jours plus tard, soit le 8 mai 1910, Ricardo Jiménez Oreamuno prit ses fonctions, il avait fort à faire…

La principale action de ce premier mandat (puisqu’il sera à nouveau président du pays à deux reprises) fut la reconstruction de Cartago et la réduction de la dette publique. Deux buts a priori incompatibles, mais qu’il parvint pourtant à concrétiser. Il a ainsi réduit presque à néant la dette extérieure envers la France.

2. Fraudes et Coup d’état :

Alors que tout semble s’arranger pour le pays, l’élection de 1913 sera un désastre électoral… Les deux candidats ayant recueilli le plus de voix, dans l’ordre Máximo Fernández Alvarado et Carlos Durán Cartín ont renoncé au pouvoir. La constitution prévoit, en cas d’invalidation de l’élection, que ce soit le premier désigné à présidence qui se charge de la fonction présidentielle. C’est donc un homme nommé par le congrès et non élu par le peuple, qui prend les rennes du Costa Rica en 1914, à savoir Alfredo González Flores.

Sous son administration fut créée la banque internationale du Costa Rica ainsi que l’école normale de Heredia (qui forme les professeurs d’université). Mais, comme pour faire écho aux conditions douteuses de son accession au pouvoir, son mandat fut entaché par de probables (pour ne pas dire évidentes!) fraudes électorales lors des élections législatives de 1915. Le doute reste permis, bien sûr, mais le fait que la totalité des députés élus appartenaient au parti du président a tout de même de quoi surprendre… Au final, il fut renversé le 27 janvier 1917 par son ministre de l’armée et de la marine, Federico Tinoco Granados.

3. Le Retour de la Dictature :

De son nom complet José Federico Alberto de Jesús Tinoco Granados, ce général est le second militaire à accéder à la charge présidentielle après Tomás Guardia Gutiérrez en 1870 qui avait d’ailleurs fini par devenir un véritable dictateur.

Photo de Federico Tinoco Granados

Federico Tinoco Granados

Il prend ses fonctions immédiatement sous le titre de président intérimaire de la république avant d’être officiellement institué le 8 juin 1917 suite aux élections d’avril où il obtint une majorité écrasante. Écrasante fut également son administration… Abus de biens publics, répression, violation des droits civiques et politiques, et mêmes assassinats d’opposants politiques ne sont qu’un aperçu des écarts de conduite de ce sinistre personnage.

Il mit également en danger l’intégrité territoriale du pays et son économie! En effet, afin d’obtenir le soutien des USA face aux multiples coups d’état qui le visaient, il proposa de donner aux Américains les îles Coco afin qu’ils puissent y bâtir une base navale. Comme il n’obtint pas de réponse, il étendit la proposition, en mettant à leur disposition tous les ports, qu’ils soient civils ou militaires, ainsi que les eaux Costariciennes. Autrement dit, le pays aurait ainsi perdu toute souveraineté maritime, y compris concernant les échanges commerciaux. Tinoco Granados avait même fini par proposer une taxe d’exportation sur les produits Costariciens quittant le pays par voie maritime, et intégralement reversée aux USA. Fort heureusement, ces propositions furent refusées en bloc, les Américains les jugeant farfelues et scandaleuses.

De la même façon, toujours pour s’accorder les faveurs des USA, Tinoco Granados avait rompu les relations diplomatiques avec l’Allemagne suite à la 1ère Guerre Mondiale mais il lui avait également déclaré la guerre, ce qui aurait pu avoir des conséquences diplomatiques désastreuses…

Fin février 1918, une rébellion armée tenta de mettre un terme à cette folie, sous l’égide d’un député, Rogelio Fernández Güell. La répression fut violente, et même extrêmement sanglante. Fernández Güell ainsi que nombre de ses compagnons furent exécutés, assassinés alors qu’ils tentaient de rallier la frontière du Panama. Comble du déshonneur, les opposants au dictateur n’ont même pas eu droit au peloton d’exécution et, ont été étranglé ou dénuqué (coup du lapin) à mains nues par des mercenaires.

La population horrifiée, le président des USA Woodrow Wilson, les révoltes armées dans la province du Guanacaste (dirigées par Julio Acosta García, futur président du pays) ainsi que des mutineries au sein même de la capitale obligèrent Tinoco Granados à renoncer au pouvoir le 12 août 1919. A noter qu’il était sur le point de faire voter une loi lui octroyant le titre de général de division, sans doute afin d’échapper à toute poursuite. Il n’obtint finalement jamais ce titre tant convoité.

Le congrès voulut le poursuivre pour haute trahison, mais le dictateur déchu fuira le pays, se réfugiant en France, en Italie et en Grande-Bretagne. Son gouvernement n’aura au final rien accompli qui soit resté dans l’histoire, à part l’appauvrissement catastrophique du pays, lié à un détournement de fonds massif. A noter que quand Tinoco Granados s’est enfui, il avait avec lui plus de 100.000 dollars en liquide ce qui représentait une véritable fortune à cette époque!

Pour l’anécdote, Tinoco Granados est encore aujourd’hui le seul absent de la galerie de portraits présidentiels que l’on peut voir dans les locaux de l’assemblée législative (même Tomás Guardia Gutiérrez, pourtant célèbre pour son autoritarisme, y figure). La plupart des gens, issus du monde politique ou non, ne le considèrent tout simplement pas digne d’y apparaître. A noter qu’il est littéralement absent de l’histoire puisque l’espace réservé au cadre de son portrait est occupé par son successeur !

4. Rétablissement de la Démocratie :

Le 20 août 1919, le général Juan Bautista Quirós Segura reçut la charge présidentielle. Cet ancien ministre de l’agriculture, du commerce, de la guerre et de la marine de Rafael Iglesias Castro aura cependant un règne incroyablement court.

En effet, les USA avaient très peu apprécié les frasques de Tinoco Granadaos, et avaient appris avec soulagement sa démission. Le fait d’avoir un nouveau général à la tête du pays, qui plus est l’ancien ministre d’un régime quasi dictatorial, était inacceptable. Non seulement les USA n’ont pas reconnu Quirós Segura en tant que président du Costa Rica mais en plus ils menaçaient le pays d’une invasion militaire. Le 2 septembre 1919 après seulement 13 jours de pouvoir, Quirós Segura dut renoncer à la présidence et abdiqua.

Les USA avaient posé leurs conditions, et imposé le choix du troisième désigné à la présidence, Francisco Aguilar Barquero. Mais ce dernier modifia les termes du contrat. Il prit la charge présidentielle en tant que président intérimaire, ce qui revenait en réalité à un refus. En clair, Aguilar Barquero a accepté pour éviter un vide à la tête du Costa Rica, et pour éloigner la menace d’une invasion militaire américaine. Et pourtant, en à peine 8 mois à la tête du pays, son gouvernement sera très productif.

Il mit fin à une grève générale en 1920 de façon pacifique, cette grève avait été déclenché par les grandes corporations de métiers (boulangers, cordonniers, marins, charpentiers, ouvriers d’usines, etc.) pour revendiquer une journée de travail de 8h et une augmentations des salaires de 20%. Les grévistes ont eu gain de cause le 9 décembre 1920, à noter que le monde agricole a été lésé dans les pourparlers car peu représenté lors des négociations.

Le président géra également avec efficacité une crise sanitaire de grande ampleur, à savoir une épidémie de grippe espagnole. Il faut savoir que la grippe espagnole fût la pandémie la plus mortelle de l’histoire de l’humanité devant la peste noire, les estimations du nombre de victimes variant entre 30 et 100 millions. Le foyer de contamination originel était de Chine, puis la grippe s’est répandue sur l’ensemble de la planète, le Costa Rica a été pour sa part infecté par une souche venant de Colombie mais fût relativement épargné.

Aguilar Barquero fit aussi annuler le décret de déclaration de guerre à l’Allemagne, qui était resté en vigueur, et remit au goût du jour la constitution de 1871 afin d’assurer le bon déroulement des élections à venir. Son action a été si efficace qu’il sera déclaré Benemérito de la Patria le 10 mai 1923, à peine trois ans plus tard, un délai record pour une reconnaissance aussi élevée (c’est en quelque sorte un équivalent de la Légion d’Honneur Française).

Il quitta le pouvoir démocratiquement, le 8 mai 1920, après l’élection régulière de son successeur, l’ancien rebelle du Guanacaste Julio Acosta García qui avait pris les armes contre la dictature de Federico Tinoco Granados en 1918. La boucle est à nouveau bouclée…

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